L' "Appel pour une Santé libérée" est lancé par le Parti pour la Santé présidé par Nicole Delépine, oncologue pédiatre ancien chef de service aphp
Depuis plus de 20 ans, citoyens et soignants assistent à la destruction progressive du système de soins solidaire hérité de la Résistance. Jugé le meilleur par l’OMS en 1998, il est maintenant placé au 24ème rang mondial.
Pour les patients, fermeture des hôpitaux et des maternités de proximité, files d’attente interminables aux urgences, ou pour consulter certains spécialistes, déserts médicaux de plus en plus nombreux, déremboursements croissants avec augmentation progressive du reste à charge, mutuelles rendues obligatoires et de plus en plus chères, remboursements ridicules en optique, dentaire et audition aboutissant souvent au renoncement aux soins dans ces secteurs…
Pour le personnel médical et soignant, augmentation des charges, multiplication des contraintes administratives, dévalorisation des diplômes d’état par les accréditations, accordées par les ARS (agences régionales de santé) structures administratives toutes puissantes), sous réserve de respect collectif des prises en charge décidées de façon collective, s’opposant ainsi à l’indépendance professionnelle imposée dans le code de déontologie.
La perte de la liberté du choix des traitements dérive de l’autoritarisme des bras armés du ministère : les thérapeutiques sont maintenant très orientées par des recommandations et/ou injonctions rédigées par des agences telles que l’INCa[1] ou la HAS[2]. Leur respect est imposé par les agences régionales de santé, sous peine -en cas de refus- de perdre, pour l’établissement, l’autorisation d’exercer la spécialité. Ces règles s’appliquent tant en public qu’en privé. De plus, les médecins et paramédicaux installés en libéral sont soumis à des contrôles récurrents des agents de la CPAM.[3]
Les prescriptions et actes sont soumis à mille et une normes administratives et injonctions, dans lesquelles la rédaction des protocoles est largement soumise à des conflits d'intérêt majeurs avec les lobbies pharmaceutiques. De nombreux ukases rationnent les soins infirmiers, de kinésithérapie etc. empêchant de répondre aux besoins de la population. Les pharmaciens et biologistes voient également leur exercice dénaturé en quelques décennies.
Les conditions d’exercice sont de plus en plus précaires, la qualité des soins diminue et les fondements de notre éthique, tels que l’indépendance professionnelle, le respect de la vie et le secret médical, ont été mis à mal par la dernière loi santé[4] .
La sécurité sociale, sous le joug du ministère de la santé, est sommée d’appliquer les règles de remboursement des soins établis par sa tutelle ministérielle, de rembourser des médicaments souvent inutiles et/ou dangereux ou expérimentaux (médicaments hors liste)[5], d’organiser le harcèlement des médecins libéraux par les contrôles, les limitations de leur droit de prescription et leurs soumissions obligées aux objectifs du ROSP[6] . Au lieu de boucher le « trou », le ministère le creuse en obligeant la sécurité sociale à financer des activités telles que la recherche et la prévention qui ne relèvent pas de sa mission première (rembourser les soins des malades). La dette de la branche maladie de la Sécu persiste. La dette sociale (déficit accumulé) atteignait 236,6 milliards d'euros en 2014, soit 11,7 % de la dette publique française, malgré une dépense globale considérable pour le système de santé (13% de notre PIB, très supérieur au budget de la Justice par exemple).
Les déserts médicaux sont moins la conséquence du nombre de médecins français que de la désespérance des médecins et soignants, comme en témoigne le nombre croissant de départ à l’étranger et de suicides. Les médecins nouvellement diplômés sont amenés à préférer le salariat dans des postes non soignants en laboratoires pharmaceutiques ou instances bureaucratiques, à l’exercice au chevet des malades. Combien de médecins et soignants réintégrables en structures de soins, si l’on se décidait enfin à réduire le nombre des « agences » de santé en tous genres qui se sont multipliées comme des petits pains depuis 20 ans[7]
Ces maux peuvent être guéris par une réorientation franche de la politique de santé replaçant le malade, le médecin et leur dialogue singulier au cœur des préoccupations et des décisions, et consacrant l’argent de la santé prioritairement aux soins utiles au juste prix.
L’Etat est là pour administrer, et non pour soigner à la place de médecins
Il faut supprimer l’article 1 de la loi Touraine qui décrète l’état décideur des choix médicaux ! Le ministère n’a pas vocation à décider des traitements qu’un médecin doit administrer à son malade. Les opinions que le ministre proclame devraient au minimum refléter l’état actuel de la science et non plus répéter l’avis d’experts inféodés aux lobbies ; de toute façon, ce n’est pas son travail. L’Etat est là pour administrer et non pour soigner à la place de médecins, ni juger à la place des juges ! Il doit par contre veiller scrupuleusement à ce que le remboursement des médicaments ne soit accordé que s’ils se révèlent réellement utiles pour les malades (amélioration du service rendu élevé) et que leurs prix soient raisonnables comme le font les anglais avec le NICE.[8] Les médicaments en essai thérapeutique doivent être fournis par le laboratoire, comme cela était la pratique avant 2003, le premier plan cancer et l’invention perverse de la liste en sus.
Il faut abolir la loi santé 2016 qui a étendu le pouvoir délétère des ARS[9] , ainsi que la loi Bachelot[10]qui a mis en place les ARS et, en conséquence, la casse de l’hôpital public : mise en place des chefs de pôle au service sous la coupe du directeur administratif, groupements hospitaliers. Il faut supprimer « les plans » qui privilégient les demandes des lobbies et orientent administrativement le choix des soins au détriment de la décision médicale. Par exemple, le plan cancer prévu pour cinq ans est systématiquement renouvelé sans qu’aucune évaluation n’en démontre une quelconque efficacité[11] , mais son budget de fonctionnement est important et encore plus les dépenses imposées par les « recommandations » !
Il faut revoir toutes les modifications législatives, qui, depuis les années 1984, ont profondément remis en cause la place médicale dans l’organisation du système de santé et les choix médicaux[12] .
Il faut libérer la médecine, en dégraissant considérablement le mammouth administratif qui ruine et opprime.
A cette occasion, reprendre les travaux des députés et sénateurs sur l’évaluation coût-efficacité des agences multiples redondantes, coûteuses qui grèvent le budget et paralysent la résolution des problèmes par des ordres contradictoires liés aux doublons voire triplons.
Il faut supprimer les agences inutiles, limiter strictement l’action des quelques agences éventuellement utiles (suite à l’audit indispensable par l’assemblée nationale et le sénat) à l’évaluation des situations, en leur enlevant tout pouvoir réglementaire contraignant et décisionnel.
Les décisions de l’Etat doivent redevenir l’apanage de ses représentants élus. Les agences régionales de santé, dont l’opacité et les pouvoirs discrétionnaires sont source de conflits d’intérêts et de corruption, doivent être supprimées ainsi que l’INCa dont les missions de recherche et d’évaluation seront redistribuées selon les préconisations du rapport Bur datant déjà de 2011 !
Les activités des agences conservées seront rendues totalement transparentes avec des experts indépendants des lobbies, des délibérations publiées sur internet et une responsabilité personnelle financière et juridique des experts dans les décisions prises. Ce n’est qu’à ces conditions que la parole de l’Etat retrouvera sa crédibilité.
Il faut revoir la place et le rôle du conseil de l’ordre des médecins
Le conseil de l’ordre des médecins s’est illustré ces dernières années par ses condamnations des donneurs d’alerte, tels qu’entre autres, les professeurs Even, Debré ou Joyeux. Il doit être, au minimum, dépourvu de tout pouvoir juridictionnel, car il constitue l’un des derniers tribunaux d’exception. La justice doit être la même pour tous, publique, et rendue par des juges professionnels indépendants.
Revoir la gestion hospitalière publique et libérer la médecine libérale.
L’organisation et la gestion des hôpitaux doivent être confiées aux élus locaux en coopération avec les médecins et autres professionnels de santé et des représentants d’associations de patients (non subventionnées par les instances publiques, ni les laboratoires). Les élus et la direction seront responsables juridiquement de l’équilibre financier. Les choix seront établis en collaboration étroite avec le corps médical et paramédical.
La gestion privée doit rester libre comme les autres entreprises privées dans le système libéral dans lequel nous vivons. Aucun statut d’exception ne doit régir l’exercice medical.
La suppression du numerus clausus, l’incorporation de stages en médecine générale dans les territoires à faible densité médicale dans la formation universitaire seront à envisager et à discuter avec toutes les personnes concernées. Des mesures d’incitation fortes à l’installation assorties de liberté de prescription et de disparition du harcèlement administratif participeront à réduire les déserts médicaux qui relèvent aussi du désert global des campagnes. Ceci ne peut se solutionner de facon isolée. Ces problèmes de fond ne pourront se régler qu’en collaboration étroite avec les médecins et les paramédicaux, et toutes professions liées, jamais par des mesures coercitives bureaucratiques.[13]
Des économies possibles !
La suppression des processus d’accréditation s’impose : ils ôtent toute valeur aux diplômes d’état des soignants, médecins et aux compétences des cadres et directeurs administratifs. Ils côutent entre 3 et 5% des budgets des hôpitaux.
La suppression de plus de la moitié des normes en santé s’impose. Elles se révèlent inutiles ou ne servent qu’à octroyer un avantage concurrentiel à un lobby. Ces économies en temps et souffrance permettront de donner aux établissements une marge financière qui pourra être utilisée à l’amélioration des soins et en particulier des urgences, et des services les plus dépourvus.
La refonte de la fixation du prix du médicament est indispensable, visant à s’aligner sur les prix pratiqués par le pays le moins disant européen. La suppression de la liste en sus et l’utilisation de la licence obligatoire[14] mettra fin aux prix prohibitifs des nouveaux traitements innovants (éventuellement sofosbuvir, traitements biologiques des rhumatismes, traitements anti-cancer…). Cela permettra de diminuer de 10% nos dépenses de santé en peu de mois. C’est une décision politique.
Les dépistages et les campagnes de vaccination, d’utilité très discutable à évaluer, ne constituent pas des soins, ne devront plus grever le budget de la sécurité sociale. Ils ne devraient, en aucun cas, être décidés par le ministère dont ce n’est pas la fonction, mais éventuellement par des instances médicales indépendantes des firmes.
Les économies réalisées permettront Le remboursement par la Sécu à 80% des soins et des appareils dentaires, optiques et auditifs, dont les prix seront négociés à un niveau raisonnable avec les professionnels.
Créer une complémentaire santé optionnelle et nationale gérée par la sécurité sociale
Pour diminuer le reste à charge on créera une complémentaire santé nationale optionnelle gérée par la sécurité sociale qui assurera une protection deux fois moins chère que les mutuelles actuelles, où près de la moitié des primes versées disparaissent en taxes, réserves obligatoires, frais publicitaires, salaires exorbitants des dirigeants, et, en dividendes versés aux actionnaires.
Ces quelques mesures ne sont qu’exemples de la refonte complète du système de santé à entreprendre entre médecins, soignants, élus, gestionnaires de santé, citoyens, loin de l’influence des lobbies et des intérêts particuliers. Ce travail devra remettre en cause l’énorme arsenal législatif, visant à briser le pouvoir médical, mis en place depuis trente ans pour transformer la santé en marchandise.
Il faut redéfinir nos choix sociaux. La santé n’est pas une marchandise et doit échapper à la régulation boursière. C’est à nous tous d’imposer ce choix à nos candidats et futurs élus.
Sans indépendance, pas de médecine !
Pour signer l'appel en ligne c'est par ici