Spécialité de l'article : Humanitaire
Parution du 12/06/2016 pour la lettre n° 79
Deuxième session pour moi, à Skoura (Maroc), auprès des sages-femmes traditionnelles, durant une semaine en avril 2016.
Chaque année 500.000 femmes du tiers monde meurent de causes liées à la grossesse et à l’accouchement et plus d’un million de nouveau-nés meurent dans les 24 heures faute de soins de qualité (source UNICEF). Ce scandale oublié m’oblige à aller depuis 16 ans auprès de sages-femmes pour leur apporter avec l’homéopathie, le droit de soigner autrement, efficacement, et à moindre coût.
Le Maroc enregistre le décès de 54 mère par jour, lors de l’accouchement ou des suites de l’accouchement. (L’Economiste du 14/11/2013) Et ce taux est encore plus élevé en milieu rural en raison de carences en soins prénataux et la faible proportion des accouchements en milieu surveillé. Au Maroc, 40% des naissances sont assistées par du personnel qualifié, et une naissance sur deux est enregistrée comme viable dans les régions montagneuses et reculées (ENPS 1995 santé de la mère et de l’enfant, ministère de la santé publique) : à Skoura, pour 30.000 habitants il y a un dispensaire, deux sages-femmes D.E., le médecin est parti cet automne dernier et n’a pas été remplacé. La sage-femme visitée me parle de 300 accouchements au dispensaire, l’année dernière. Les autres femmes accouchent chez elles, entourées par l’quabla « celle qui reçoit » et la chedada « celle qui soutient ». La sage-femme traditionnelle tient sa connaissance de ses ainées, elle est la plupart du temps âgée et pieuse. Elle sait s’entourer de plantes, d’huiles, d’oliviers entre autre, d’eau parfumée, de graines de moutardes… et d’un accompagnement religieux, chants, récitations de soutra, car selon la Tradition « l’accouchement est un rite de passage à la frontière de la vie et de la mort ».
Pourquoi l’homéopathie, dans ces rites anciens ? Parce que ces matrones la réclament. Elles sont d’une assiduité remarquable depuis deux ans, s’encourageant mutuellement, se soutenant, recherchant les rencontres entre elles le lundi après le souk, espérant avoir la réponse aux problèmes médicaux dont elles sont témoins et responsables. Nous avançons très doucement sur le chemin de l’assimilation, avec beaucoup de retours en arrière sur les bases de l’homéopathie : cette session, nous avons réfléchi ensemble sur la notion de « maladie ». Elles nous ont dit « plus nous allons vers la mort, plus nous sommes malades », et celui de symptômes, « c’est une information » nous précisent-elles. Nous n’avons abordé que quatre remèdes en une semaine. Le docteur Jacques Rey a apporté sa grande compétence et des exemples marquants : lors d’une consultation publique, la malade interrogée sur le début de sa maladie, s’est penchée dignement vers lui et lui a dit dans le creux de l’oreille le secret qui la rendait malade depuis si longtemps.
Mais en fait cette session fut leur session, c’est elles qui orchestrent, avec parfois tant de discussions qu’il nous faut ramener le silence. Si j’invente des cas, elles les relient immédiatement à des cas réels. N’ayant pas l’obsession du rendement, nous les écoutons beaucoup, nous les interrogeons personnellement et elles n’ont pas peur de répondre. Nous avons trois traducteurs, tous des hommes, à qui nous avions demandé auparavant si ils étaient disponibles pour traduire des « histoires de femmes ». C’est un régal de travailler si simplement avec eux, leur passion pour l’homéopathie ne faiblit pas : l’un est poète et met chaque remède en poème, l’autre est artiste -musicien-acteur, il nous promet de mimer les remèdes, le troisième est plus jeune et réservé, il reste au plus près de la vérité de la traduction.