Spécialité de l'article : Généraliste
Parution du 18/09/2016 pour la lettre n° 80
Une otite aigue correspond à une infection associant le plus souvent douleur et inflammation locale. L’otite aigüe est de deux types essentiellement l’otite externe, et l’otite moyenne aigue. Dans les deux cas, si vous n’êtes pas capables de porter un diagnostic médical précis, la prudence reste de mise et une consultation s’impose en l’absence d’amélioration franche dans les 24/48 h.
L’otite disparaît très rapidement si elle est traitée de manière adéquate. Les règles d’or à respecter avant de partir en guerre avec son tube d’homéopathie :
- un seul médicament homéopathique à la fois. S’il ne fonctionne pas on stoppe au bout de deux ou trois prises, et on change ou on consulte.
- on répète lorsque les symptômes reviennent, c’est à dire que vous ne donnez pas le médicament systématiquement. Reprendre est nécessaire lorsqu’une amélioration nette s’est produite, puis que ce mieux stagne ou que les douleurs reprennent, que l’état général se dégrade à nouveau.
- les critères de guérison en homéopathie répondent à des lois rigoureuses. La plus élémentaire s’appelle la loi de Herring. L’amélioration doit se faire de haut en bas et de dedans en dehors. Si par exemple la douleur disparaît dans l’heure qui suit la prise, et qu’éruption légère apparait avec un enfant qui se lève, va mieux, mange et boit correctement, c’est de bon pronostic. En revanche si la douleur disparaît, mais que la fièvre s’élève, vous stoppez tout et consultez.
La maîtrise de toutes les lois homéopathiques nécessite plusieurs années sérieuses d’études couplées à de la pratique. En l’absence de se savoir, il est difficile d’évaluer correctement ce que l’on fait, et même si l’otite disparaît, vous n’avez peut-être pas rendu plus service au malade que s’il avait pris des antibiotiques. Ce handicap peut être compensé par le fait que certains médicaments fonctionnent mieux dans certaines familles, et que l’on apprend à les repérer avec le temps. Si vous avez trouvé qu’un remède fonctionne bien, notez-le soigneusement. Ce sera peut-être utile à l’homéopathe que vous consulterez des années plus tard.
Pour vous repérer, je vous propose de répartir les remèdes en plusieurs catégories à l’aide d’étoiles, de la prescription la plus facile à celle qui nécessitera le plus de prudence et d’expériences réussies.
Une étoile*
Aconitum napellus
Il est difficile de faire des bêtises avec ce médicament. Il fonctionne s’il est utilisé très rapidement, dès les premiers symptômes. Aconit est très utile dès que l’on s’est refroidi par temps sec et froid, typiquement les otites survenant brutalement par temps de Mistral, ou de vent du Nord si vous préférez. Cela convient également si l’on n’arrive plus à se réchauffer après une exposition de ce type. C’est brutal, douloureux, et en général le patient est agité, anxieux, se tourne et se retrouve dans son lit, ne tient pas en place assis, le visage peut être rouge, la transpiration est rare, une grande soif fréquente.
Dulcamara
L’otite apparait après avoir été mouillé subitement. C’est souvent le cas des otites externes suite de bain, à la piscine, ou lors de randonnées d’automne après avoir pris la pluie et le froid.
Deux étoiles **
Il est préférable d’avoir déjà l’expérience d’une prescription réussie ou de prises d’homéopathie qui fonctionnent sur soi pour passer à ces remèdes.
Belladonna
L’otite apparaît brutalement, en général à droite, accompagnée par une forte fièvre. Le visage est rouge ou très pâle, souvent bouillant tandis que les mains sont froides. Les yeux sont brillants, la soif est importante, souvent pour des boissons citronnées. Il peut exister une tendance à mordre. Attention si l’enfant présente toutes ces caractéristiques mais que Belladonna échoue, et qu’il existe un tempérament jaloux, une transpiration abondante de la tête, alors essayez stramonium à la place.
Chamomilla
Les douleurs d’otite sont très mal supportées, le patient ou l’enfant est grognon, irascible, il veut quelque chose puis une autre, jamais satisfait. Il est amélioré en roulant en poussette, si on le berce, par le mouvement du train. Une joue peut être rouge, tandis que l’autre est pâle. L’enfant pousse des cris stridents et n’aime pas qu’on l’approche. Il transpire de la tête. Ce sont en général des otites concomitantes aux poussées dentaires.
Cina
L’enfant est encore plus insupportable que dans l’état de Chamomilla. Il ne tient pas en place et se débat si on l’approche. Les yeux sont cernés. Rien ne l’améliore. Il se frotte le nez ou l’anus, grince des dents pendant le sommeil, son appétit est extrêmement capricieux. En général, ces enfants ont des verminoses (oxyures)
Trois étoiles***
Pulsatilla
C’est un remède simple, courant, mais que l’on peut confondre avec Silicea (qui lui a tendance à mettre le doigt dans l’oreille). Et il ne fonctionnera pas du tout si vous vous trompez. Pulsatilla est un enfant DOUX, mais CRAMPON. Il ne quitte pas son père ou sa mère, ou pleure doucement si cela lui arrive. Ce sont des enfants gentils, timides, émotifs, faciles à vivre même pendant leur maladie. Il est difficile de les faire boire pendant la fièvre. Ils présentent souvent un écoulement nasal jaune/vert, non irritant.
Ferrum phosphoricum
C’est le médicament classiquement recommandé aux mamans dans les otites. Ce remède n’a pas beaucoup de caractéristiques, et c’est bien le piège, car une personne novice sera tentée de le prescrire par manque de sens de l’observation. Il dépanne lorsque Belladonna n’est pas indiqué ou ne fonctionne pas. Il convient aux enfants sensibles, pâles, puis rougissant facilement avant de redevenir pâles. L’enfant est frileux et restera facilement au lit s’il est malade. Sensibilité au bruit. La fièvre ne doit pas être trop élevée. Il fonctionne si on le prescrit dans les tout premiers stades de l’otite.
Quatre étoiles****
On passe au niveau supérieur, celui des remèdes antipsoriques, c’est à dire qui ne peuvent qu’améliorer l’énergie globale du patient. Cependant vous commencez à manier des doses agissant profondément, donc en cas d’erreur, le tableau deviendra beaucoup plus net, et plus impressionnant.
Sulfur
Sulfur a une mauvaise réputation dans l’école française d’homéopathie, et pourtant il pourrait rendre service à un moment ou un autre à la moitié de la population. Un enfant qui présente une otite souvent gauche, de bonne composition, ayant tendance à sortir les pieds du lit habituellement, et aussi durant l’accès, gardant un solide appétit malgré l’infection, avec un visage rouge, ayant soif et des envies de douceurs peut en tirer un grand bénéfice. Ce sont des enfants (ou des adultes) en général curieux de tout, pas toujours très soigneux ou se salissant facilement. Ces enfants oublient facilement de se couvrir. Ici, le remède de l’infection rejoint le médicament "de fond" c’est à dire chronique du malade.
Hepar Sulfur
Les avantages et les inconvénients de ce médicament ressemblent à Sulfur. Les douleurs sont terribles, piquantes, l’écoulement nasal est purulent, et il peut y avoir un début de bronchite avec une toux grasse. L’enfant est très colérique, ne supporte pas la contradiction, mais n’est pas agité contrairement à Chamomilla ou à Cina. L’enfant a froid, reste bien sous les couvertures, frissonne au moindre courant d’air et apprécie un foulard autour du cou. Il transpire souvent beaucoup, avec une odeur acide.
Calcarea carbonica
L’enfant est lent, un peu pataud, transpire abondamment, surtout de la tête, est très craintif. On dit classiquement qu’il a une grosse tête. Il supporte plutôt mal la chaleur, et apprécie les bras. Ce remède n’est pas très facile à prescrire si personne ne vous a montré son indication auparavant.
Mercurius
L’enfant est nerveux, présente une haleine nauséabonde et bave énormément. Il a besoin de se couvrir, puis de se découvrir. Les ganglions sont largement tuméfiés. La langue est large et molle, elle marque l’empreinte des dents.
Cinq étoiles*****
Tuberculinum
C’est un nosode, c’est à dire qu’il a un lien avec le terrain héréditaire. Ce médicament est à manier avec des pincettes, il suppose que vous ayez un sens de l’observation suffisamment aguerri pour le prescrire. Il est fréquemment indiqué dans les otites à répétition. La prescription est plutôt corrélée aux caractéristiques de l’enfant. Enfant sensible, souvent pâle et cerné, n’aimant pas aller chez le médecin, ne supportant pas les contraintes, la routine, ayant besoin de se « défouler » au plein air. Le réveil est difficile, il peut dormir « les fesses en l’air ». Cet enfant est gentil, mais insupportablement agité lorsqu’il n’est pas en état de faire une otite. Attention je ne parle pas d’enfant « mal élevé », celui auquel on a tout passé et qui exprime un mal être et un besoin de limites dans son agitation, ni l’enfant présentant une intense peur d’abandon, mais plutôt l’enfant pour lequel on a « jeté l’éponge » dans l’éducation tellement il ne tenait pas en place. Dans un cabinet, il va déménager toutes les chaises qu’il trouve, puis s’attacher à la poignée de la porte et à son mécanisme, pour revenir à ses parents puis repartir explorer une fenêtre, etc…Lorsqu’on tente de le « cadrer », il se cabre, pleure, hurle, voire se roule par terre.
Kalium bichromicum
L’otite apparaît brutalement, plutôt au réveil. Il peut y avoir un écoulement jaune-vert du nez, parfois en petites masses arrondies. L’enfant préfère rester tranquille, ne recherche pas spécialement la compagnie, et est aggravé au mouvement. Les yeux peuvent être rouges ou jaunâtres. La douleur est améliorée par la chaleur, aggravée par le froid, et limitée à une petite zone. S’il y a un écoulement du tympan, il est nauséabond. Ces otites apparaissent au changement de temps, particulièrement si la météo est humide.
Ce médicament est fréquemment retrouvé sur internet, dans les livres pour des rhumes ou des otites, mais sa prescription n’est pas si fréquente, voilà pourquoi je le rétrograde au niveau 5 étoiles.
Voici quelques remèdes parmi les plus fréquents des otites aigues, mais il en existe de nombreux autres, aussi si vous ne trouvez pas le tableau qui correspond à votre cas, mieux vaut s’abstenir de prescrire. Plus vous aurez de critères médicamenteux et un tableau cohérent, plus votre prescription sera fiable.
Dans tous les cas, il est bon de commencer par une 9 CH. Cette dynamisation suffisait à la guérison autrefois, mais le niveau de santé général s’est dégradé depuis et il est désormais rare que ce soit suffisant. Mettez un ou deux globules d’une dose ou d’un tube dans un verre d’eau, remuez et donnez une première cuillère à café pour tester la sensibilité de votre patient. Vous pouvez donner toutes les heures initialement, à condition qu’il n’y ait pas de réaction explosive à la première prise. Au bout de 2 ou 3 prises, le médicament ne devrait plus fonctionner aussi bien, vous pourrez alors passer à la 30 CH si vous avez pu constater une amélioration nette. Préparez la 30 CH de la même façon. En MOYENNE, pour une 30CH, vous devez obtenir la guérison en 2 à 3 prises par jour sur 2 à 5 jours. Espacez les prises dès que ça va mieux. Si une aggravation survient dans la première heure, et que cette aggravation comporte exactement les mêmes signes qu’avant la prise, le pronostic est excellent, en général, vous n’aurez pas besoin de renouveler ou très peu.