Spécialité de l'article : Agro-homéopathie
Parution du 17/09/2024 pour la lettre n° 113
Le phosphore, élément essentiel à la vie, joue un rôle crucial dans la croissance et le développement des plantes. Il est impliqué dans de nombreux processus biologiques fondamentaux, tels que le transfert d'énergie, la synthèse d'acides nucléiques et la formation de membranes cellulaires. Cependant, son utilisation intensive en agriculture pose de sérieux défis environnementaux, liés à l'épuisement des ressources phosphatées et à la pollution des écosystèmes aquatiques. Cet article explore les différents aspects du phosphore en agriculture, en abordant son rôle physiologique, les enjeux liés à sa gestion et son potentiel en tant qu'activateur des défenses naturelles des plantes.
Le phosphore : un élément clé de la nutrition végétale
• Rôles physiologiques : Le phosphore est un constituant essentiel de l'ATP, la molécule énergétique universelle de la cellule. Il intervient également dans la synthèse des acides nucléiques (ADN, ARN), des phospholipides (composants des membranes cellulaires) et de nombreux coenzymes.
• Disponibilité dans le sol : La disponibilité du phosphore pour les plantes dépend de nombreux facteurs, tels que le pH du sol, la texture, la matière organique et la présence de cations (calcium, fer, aluminium).
• Carences et excès : Une carence en phosphore se traduit par une croissance ralentie, une coloration pourpre des feuilles et une maturation précoce. À l'inverse, un excès de phosphore peut entraîner des phénomènes de fixation dans le sol, réduisant ainsi sa disponibilité pour les plantes et favorisant le lessivage vers les eaux souterraines.
Les enjeux de la fertilisation phosphatée
• Épuisement des ressources : Les réserves mondiales de roches phosphatées sont limitées, ce qui pose des questions de sécurité d'approvisionnement à long terme.
• Impacts environnementaux : Un usage excessif d'engrais phosphatés peut entraîner l'eutrophisation des eaux, la prolifération d'algues et la dégradation de la qualité de l'eau.
• Coûts économiques : Les prix des engrais phosphatés sont volatils et peuvent représenter une part importante des coûts de production
agricole.
Vers une gestion durable du phosphore
• Optimisation de la fertilisation : L'utilisation d'outils de diagnostic précis (analyses de sol, capteurs) permet de déterminer les besoins réels des cultures en phosphore et d'adapter les apports en conséquence.
• Valorisation des effluents : La récupération du phosphore contenu dans les effluents d'élevage et les eaux usées est une voie prometteuse pour réduire la dépendance aux engrais minéraux.
• Développement de nouvelles sources de phosphore : La recherche de nouvelles sources de phosphore, telles que les roches phosphatées marines ou les déchets industriels, est un enjeu majeur pour garantir la sécurité d'approvisionnement à long terme.
• Promotion de l’agroécologie : Les pratiques agricoles agroécologiques, telles que la rotation des cultures, l'utilisation d'engrais verts et la couverture des sols, contribuent à améliorer la fertilité des sols et à réduire les pertes en phosphore.
Le phosphore : un activateur des défenses naturelles des plantes.
Le phosphore agit en tant que bio-éliciteur, déclenchant chez la plante des mécanismes de défense actifs. Ces défenses, dites induites, confèrent à la plante une résistance systémique acquise (RSA) et une tolérance accrue aux stress biotiques et abiotiques.
Mécanismes d'action moléculaires
Les mécanismes d'action du phosphore sont multiples et complexes, mais ils convergent vers l'activation de voies de signalisation qui conduisent à une reprogrammation métabolique globale de la plante. Parmi les mécanismes les plus étudiés, on peut citer :
• La production d'espèces réactives de l'oxygène (ERO) : Le phosphore induit une production modérée d'ERO, molécules hautement réactives qui agissent comme des signaux d'alarme et déclenchent des cascades de réactions en chaîne, amplifiant ainsi la réponse de défense. Ce phénomène est connu sous le nom d'éclatement oxydatif.
• La signalisation calcique : Le phosphore module les oscillations calciques intracellulaires, activant des kinases calcium-dépendantes (CDPKs) qui phosphorylent des protéines clés impliquées dans la transduction du signal. Ces protéines kinases jouent un
rôle central dans la régulation de nombreux processus cellulaires, notamment la réponse aux pathogènes.
• La production d'hormones de défense : Le phosphore stimule la biosynthèse d'hormones de défense telles que l'acide salicylique (AS) et l'acide jasmonique (AJ), qui jouent un rôle central dans la régulation des réponses de défense. L'AS est principalement impliquée dans la résistance aux pathogènes biotrophes, tandis que l'AJ est impliquée dans la résistance aux nécrotrophes.
• La modulation de l'épigénétique : Le phosphore peut influencer l'épigénome de la plante, modifiant ainsi l'expression de gènes impliqués dans la réponse immunitaire, notamment par la méthylation de l'ADN et la modification des histones. Ces modifications épigénétiques peuvent être transmises aux générations suivantes et conférer une mémoire immunitaire à la plante.
Applications phytosanitaires : induction de résistances et renforcement des défenses naturelles
Le phosphore (Phosphorus) trouve de nombreuses applications en phytopathologie, notamment :
• Lutte contre les maladies cryptogamiques :
o Oomycètes : Phosphorus a démontré une efficacité significative dans la réduction de l'incidence et de la sévérité de maladies causées par des oomycètes tels que Phytophthora infestans (mildiou de la pomme de terre), phytophtora citrophtora (gommose parasitaire des agrumes) et Plasmopara viticola (mildiou de la vigne). Il renforce les parois cellulaires des plantes, limitant ainsi la pénétration des hyphes fongiques et induit la production de composés fongitoxiques.
o Ascomycètes : Phosphorus peut limiter le développement de maladies causées par des ascomycètes, comme les moisissures et les monilioses. Il induit la production de phytoalexines et de protéines à activité antifongique, renforçant ainsi la barrière physique et chimique de la plante.
o Basidiomycètes : Phosphorus a montré des résultats prometteurs dans la lutte contre les rouilles et les pourridiés armillaires. Il stimule la production d'enzymes lytiques qui dégradent la paroi cellulaire des champignons et induit l'hypersensibilité locale, une
réaction de défense rapide et localisée qui limite la propagation de l'infection.
• Lutte contre les maladies bactériennes :
o Bactérioses vasculaires : Phosphorus peut réduire l'incidence et la sévérité des flétrissements vasculaires causés par des bactéries telles que Ralstonia solanacearum et Xylella fastidiosa. Il favorise la production de composés phénoliques qui inhibent la croissance bactérienne et renforcent les parois cellulaires des vaisseaux conducteurs.
o Pourritures bactériennes :Phosphorus peut limiter le développement de pourritures bactériennes molles causées par des bactéries du genre Erwinia. Il stimule la production de peptides antimicrobiens qui tuent les bactéries pathogènes et induit la formation de liège, un tissu de cicatrisation qui limite la propagation de l'infection.
• Lutte contre les viroses :
o Phosphorus peut stimuler la production d'ARN interférents (ARNi), des molécules à ARN double brin qui déclenchent un mécanisme de défense antiviral spécifique, l'interférence ARN. L'ARNi cible les génomes viraux et bloque leur réplication.
Perspectives et défis
Bien que les perspectives d'utilisation du phosphore en phytopathologie soient prometteuses, plusieurs défis subsistent :
• Mécanismes d'action complexes : Les mécanismes d'action du phosphore sont multifactoriels et nécessitent des recherches approfondies pour être entièrement élucidés.
• Intégration dans les systèmes de production : L'intégration du phosphore dans les systèmes de production nécessite une approche systémique, tenant compte des interactions entre le phosphore, la plante, le sol et les micro-organismes
Conclusion
Le phosphore est un élément essentiel à la nutrition végétale, mais son utilisation doit être optimisée pour garantir la durabilité des systèmes agricoles. Une approche intégrée, combinant des mesures agronomiques, technologiques et réglementaires, est indispensable pour relever ce défi. La recherche sur Phosphorus en tant qu'éliciteur ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies de protection des cultures plus respectueuses de l'environnement.