Spécialité de l'article : Vétérinaire
Parution du 23/02/2017 pour la lettre n° 82
Petit intermède homéopathique avant d’aborder la conscience sociale des animaux.
C’est l’histoire d’une vache qui n’a pas de nom et qui a bien du mal à trouver sa place. « Elle a une mammite des deux quartiers gauches, avant et arrière. C’est une grosse vache et une bonne laitière. Mais elle rechute sans arrêt et ses taux cellulaires montent très haut. »
(N. B. : le taux cellulaire correspond au nombre de globules blancs, leucocytes, présents par millilitre de lait. Cela correspond aux défenses immunitaires qui se déclenchent dans la mamelle lors d’une infection chronique. Un taux élevé de leucocytes engendre des difficultés pour la conservation et la transformation du lait par l’industrie laitière. Il est donc fortement pénalisant pour les éleveurs, car le lait est alors moins payé au producteur, voire refusé.)
« Elle défend sa bouffe. Elle est très craintive, le fil de clôture, même par terre, elle ne passera pas... C’est au point où elle ferait n’importe quoi, elle ne sait plus où elle en est. Elle se fait bousculer plus que les autres. À la traite, elle est souvent dans le 1er groupe : elle n’aime pas être au milieu des autres en salle d’attente, elle n’est pas à l’aise.
Après la traite, elle est plus calme. Elle ne va pas au cornadis* après la traite avec les autres. Elle est plus rassurée quand il n’y a plus qu’une ou deux vaches. Elle craint plus l’homme. Elle a parfois envie de taper, mais elle ne tape pas. Elle n’a pas maigri après son veau. La corne de ses pieds tourne vers l’extérieur. Elle est toujours sur ses gardes. Elle protège bien son veau : il était tombé du talus, dans le fossé. Elle est venue me chercher et me montrer où il était. »
Ce cas est particulier dans sa résolution, car je n’ai pris en considération que des symptômes psychiques. Ce qui n’est pas une façon très orthodoxe de faire, si on prend l’ensemble de l’individu en compte. Mais le résultat a suffi à chasser la pointe de culpabilité que j’aurai pu ressentir. J’ai donc retenu : les attaques de panique (fil de clôture), effrayée pour un rien, la peur des endroits étroits
*Dispositif installé devant une auge ou un râtelier et destiné à limiter les mouvements des animaux lorsqu’ils mangent
(claustrophobie: en salle de traite), l’intelligence (venue chercher l’éleveur pour son veau).
Le remède prescrit fut Calcarea carbonica
Hahnemann lui-même en a fait l’expérimentation. Il a utilisé pour cela le calcaire de la coquille d’huître. Gardons cela à l’esprit pour comprendre le remède. Calcarea est un des grands remèdes de troubles constitutionnels, de carences nutritionnelles. Remèdes de jeunes et de nouveau-nés qui ont des problèmes de croissance, d’assimilation du calcium. Tous ceux qui ont eu quelques poules savent que l’on donne des coquilles d’huîtres aux pondeuses pour fortifier la coquille de leurs œufs.
Prenons donc l’huître : d’abord l’animal, le mollusque protégé par sa coquille, faible et vulnérable. Plus gras que ferme, pâle, froid, humide, flasque, inactif, sédentaire, ne tolérant pas l’exercice, le mouvement.
C’est l’image un peu brute mais assez fiable du jeune Calcarea.
Plein de peurs : de manquer, de mourir de faim, des autres, de futilités, de tout et même de ce qu’il imagine. Enfin, il a peur qu’on se rende compte de sa faiblesse. Alors, il se referme dans sa coquille, à l’abri, il observe le monde sans trop se risquer, en faisant des réserves. Coquille ouverte, il était sensible à tout, trop facilement affecté par la violence réelle ou imaginaire. Coquille fermée, il s’isole, se cuirasse, devient insensible, se décourage, se désespère. Et parfois, telle l’huître qui fabrique une perle à partir d’une impureté, lentement, couche après couche, il va se révéler par son travail, obstiné, assidu, consciencieux, les pieds sur terre (ou plutôt la coquille bien ancrée au rocher), intelligent mais toujours lent dans l’apprentissage.
Cette image rapide de Calcarea est bien sûr insuffisante, mais elle permet d’illustrer le lien que l’on trouve parfois entre la souche du remède et la problématique des souffrances que ce remède va apaiser.
Le « chant de Calcarea » correspond à cette vulnérabilité de l’huître, fixée sur son rocher, qui lutte, protégée par sa coquille. Notre vache a guéri de sa mammite avec Calcarea et a eu un comportement plus stable. Elle est beaucoup moins effrayée après la prise du remède et a pu reprendre sa place dans sa communauté
Extrait du livre Homéopathie et Animaux
Du Docteur Patrice Rouchossé, vétérinaire
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