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La fermeture policière et violente de Garches en 2014

photo de l'auteur
par Nicole Delépine
( Pédiatre, oncologue)


Spécialité de l'article : Historique et divers

Parution du 23/04/2015   pour la lettre n° 75


TRISTE ILLUSTRATION de
La perte de la liberté de soigner  par
la fermeture policière et violente de Garches en 2014

Sur ukase de la direction générale de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris  (APHP)  soutenue par la ministre Marisol Touraine contre l’avis des patients qui le plébiscitaient et en l’absence de toute plainte en trente ans.

Rappelons quelque peu la dramatique histoire des enfants atteints de cancer  hospitalisés à Garches dans la seule unité encore indépendante du monopole de l’oncologie pédiatrique tenu par la société française des cancers de l’enfant, et le lobby politico-médico-pharmaceutique  initiateur du plan cancer.
Dès les années 90  la petite caste des oncopédiatres tentait déjà d’imposer le tout essai thérapeutique aux enfants cancéreux très en  avance sur son temps au prétexte que leur faible nombre (1500  par an environ de moins de 15 ans)   ne permettait pas  de conduire la recherche en dispersant les patients. Notre équipe installée à l’ APHP (hôpital Hérold puis Robert Debré ) avait , à partir de 1982 , initialement inclus les patients atteints de tumeurs osseuses dans les essais de l’EORTC   sur suggestion du service du PR G Mathé  avec lequel nous travaillions. Mais nous avions rapidement découvert que les essais proposés donnaient  très vite  des résultats très inférieurs aux schémas de traitement déjà publiés dans la littérature internationale (Rosen 1978 ,1982  pour l’ostéosarcome, Hayes 1982 pour le sarcome d’Ewing). Médecins désireux de guérir nos malades nous décidâmes dès 1985 de ne plus les inclure dans les essais et de leur faire bénéficier de ces traitements  publiés. Une différence d’ordre de 40 % de survie semblait possible. Elle sera confirmée par nos résultats à long terme.

C’est là que le bât commença à blesser, aussi bizarre pour nos lecteurs que cela puisse paraitre. Nous devînmes les vilains petits canards méprisés, marginalisés, diffamés et progressivement asphyxiés (en termes de lits, de personnels et évidemment de postes). Le Dr G Delépine  chirurgien orthopédiste fut poursuivi devant le conseil de l’ordre pour  avoir mis au point des techniques de résection des tumeurs permettant d’éviter l’amputation prônée par nos contradicteurs. Il n’obtint un non-lieu que grâce à la publication d’une conférence de consensus américaine qui confirmait le bien-fondé de son attitude. Mais le ton était donné, il n’a jamais cessé malgré le suicide de certains de nos « ennemis »  répertoriés,  aboutissant à la fermeture expéditive en 2015 sans solution pour les petits.
 Ainsi en 1986 , lors de la présentation en congrès international de nos résultats préliminaires confirmant ceux publiés par les Américains, le patron de Tenon de radiothérapie nous dit que nous faisions de « l’oncologie pédiatrique clandestine »  alors que nous exercions dans un service de 82 lits de l’APHP (comme lui)  avec patron , professeur agrégé , deux chefs de clinique , quatre internes et un médecin des hôpitaux nommée en 1980 , moi-même ….
 Le  sort était jeté. Tant pis pour l’intégration au « milieu » dont de toute  façon nous ne ferions jamais  partie (n’étant enfants ni de professeur, ni de ministres ou d’énarques, et n’acceptant pas d’être les représentants serviles de l’industrie) alors un paillasson … Ethiquement il  était inconcevable pour nous tous dans l’équipe de ne pas traiter les patients avec les meilleures chances de guérison. .  Au cours des décennies qui ont suivi, nous avons continué à soigner selon le serment d’Hippocrate, en fonction des publications internationales, des  rencontres en congrès, de notre expérience au lit du patient et accumulé les données. Tandis que notre réputation internationale grandissait, nos moyens matériels , médicaux et paramédicaux diminuaient à vue d’œil avec tentative de fermeture répétée dès 1993 (refus de renouvellement du pr JC Desbois dans sa qualité de chef de service obtenue finalement grâce aux soutiens écrits de sommités internationales  des cinq continents venus témoigner de l’excellence de l’équipe médico-chirurgicale ). Puis au départ à la retraite en 1998  de notre patron, les manifestations bruyantes et médiatisées des patients pour garder « leur service et leurs médecins » la décision de fermeture échoua nous conduisant néanmoins à une installation précaire à  l’hôpital Avicenne en Seine-Saint–Denis. Espérait-on dissuader les patients venus de toute la France et de l’étranger de venir dans le fameux 9-3 ? Peine perdue, les malades venaient chercher un savoir –faire, un traitement adapté à leur personne, leur poids et taille mais surtout leur réceptivité aux médicaments dosés tant pour éviter la toxicité que pour  trouver la meilleure efficacité. Trouver une équipe à l’écoute, libre de ses opinions, de ses choix de fait malgré toutes les tentatives multiples de déstabilisation racontées ailleurs. La confiance, l’amour régnait entre patients, soignants et médecins malgré le sabotage continu de l’administration (les directeurs ou personnel qui nous soutenaient étaient vite mutés..). Ainsi la liberté de soigner se réduisant comme neige au soleil passant de 82 lits à Herold à 50 puis 15 de cancérologie de1988 à 98 à Robert Debré (Paris 19ieme)  puis à 11 de fait à l’entrée à Avicenne à neuf …
Les parents venaient aussi souvent chercher un autre avis, une seconde chance voire une dernière chance.  Qui ne peut comprendre que, même si l’enfant finit par décéder de sa maladie, il est important  de savoir que le possible, tous les possibles ont été faits, que l’on n’a pas baissé les bras parce que le premier essai dans lequel le petit avait été inclus avait échoué, voir aussi le deuxième. Mais on leur donnait de moins en moins leur  chance y compris quand de nombreuses possibilités n’avaient pas été tentées.
Nous avons ainsi rattrapé et guéri de nombreux petits patients dans ces années où l’exercice médical hospitalier public libre devenait difficile entre les années 90 à notre fermeture en 2014. Nous les avons guéri non par apposition des mains ni seulement parce que les docteurs étaient humains mais grâce à un savoir-faire  important acquis pour une demi-douzaine de médecins de notre équipe sur des décennies. Guéris  pour certains ou  prolongés de quelques années de vie de qualité parce qu’une intervention réputée impossible se révélait possible dans les mains du dr G Delépine pour l’orthopédie mais aussi d’autres collègues habiles et battants pour le thoracique par exemple. Parallèlement les doses de chimiothérapies se révélaient efficaces là où elles avaient échoué ou avaient été mal tolérées ailleurs de par la façon de les passer  sur plusieurs jours où en adaptant les antidotes, etc…. Bref pas de miracle, mais de la médecine clinique classique fondée sur l’examen clinique, l’interrogatoire, l’écoute et le savoir-faire de toute une équipe  médico- chirurgicale et collègues, radiothérapeutes, radiologues, chirurgiens, anatomo-pathologistes etc.
Car les  coutumes avaient évolué pendant ces décennies au cours desquelles la France était devenue adepte des golden boys dans les années 85 et où les hôpitaux publics allaient commencer leur grande mue. Ils allaient devenir des entreprises comme les autres à travers la loi Evin de 1991  (actuel grand manitou comme directeur général de l’agence régionale de santé d’ile de France) et la mise en place des SROSS schémas régionaux d’organisation sanitaire  dès 1995 par les mêmes bureaucrates au pouvoir aujourd’hui pour un grand nombre. La mise en place des agences régionales d’hospitalisation au début des années 2000   conduira à la mort de nombreux hôpitaux de proximité, à la suppression de milliers de lits de psychiatrie déjà entamée depuis  les années 80 (on retrouve maintenant les malades mentaux dans la rue puis en prison  quand ils sont passés l’acte)  et de petites maternités. Les budgets étaient soumis à des restrictions aggravées par la mise en service de la T2A, tarification à l’activité privilégiant les actes qui se multiplièrent pendant que les durées de séjour diminuaient drastiquement.
Parallèlement, les partenariats avec  l’industrie pharmaceutique se développaient conduisant à privilégier la « recherche » sur le soin  bien que toujours remboursés par la sécurité sociale.  Les plans cancer  depuis 2003  disent haut et fort que leur objectif majeur est d’augmenter le nombre d’inclusions dans les essais ce qui fut d’abord appliqué par le meilleur élève, la cancérologie pédiatrique gouvernée par une seule société  dite savante. Les traitements éprouvés perdaient progressivement leur droit à l’existence et les  enfants cancéreux des pertes de chance. L’oncologie adulte allait être entrainée dans le même système pervers avec le deuxième plan cancer et la prise en main bureaucratique des traitements décidés par l’INCa  (institut national du cancer) et imposés par les ARS. Relativement libre jusqu’en 2010   le traitement du cancer est actuellement sous le joug des ARS car les centres qui n’acceptent pas les ukases de traitement pour la majorité de leurs patients  voient leur autorisation (accréditation) de traiter le cancer supprimée.
Notre unité pourtant accréditée et installée dans des locaux  classés et refaits pour elle en 2004 suite à un accord signé  et jamais dénoncé  entre le ministère de la santé d’alors et la direction générale de l’APHP  a été supprimée arbitrairement et violemment : seize cars de CRS présents le 4 juillet 2014 pour évacuer quatre grévistes de la faim âgés et fatigués ; puis de ce jour funeste à la fermeture brutale le 7 aout , installation d’un régime carcéral : interdiction de visites aux patients en dehors des seuls père et mère,  contrôle des entrées et sorties par de vigiles payés par vos cotisations sociales,  sur badge ou carte d’identité sur liste discrétionnaire établie par la direction , refus inopiné de laisser entrer nos patients suivis  qui demandaient consultation de leurs médecins , harcèlement sans limites des personnels et des médecins qui voulaient continuer à traiter leurs petits malades. Le 5 aout, décision infamante et honteuse de suspendre les deux médecins qui s’alternaient et mise à la porte des petits encore hospitalisés y compris en aplasie  avec menace du juge en cas de refus le 7 août 2014 …
 Voilà ce qu’est devenue la liberté de soigner en cancérologie en trente ans avec détricotage progressif des équipes, des moyens et abandon du savoir-faire. Quel motif la direction de l’AP-HP utilisa –t- elle ? Sa « liberté académique » de ne pas offrir aux patients tous les traitements connus y compris éprouvés, mais de privilégier la « recherche »  Est –cela que vous venez chercher quand vous consultez à l’hôpital public ? Être cobaye ? Sans choix ?
 Les enfants n’ont bénéficié d’aucune « continuité de soins «  contrairement aux promesses dans les médias. Le service censé les accueillir n’avait pas l’autorisation administrative … ni les outils techniques, ni les compétences requises, ni les médecins. Bref désinformation pour journalistes complaisants qui répétaient la chanson de la direction alors que syndicalistes et nous-mêmes avions maintes fois démontré  l’évidence. Certains malades ont été en errance avec refus de reprise de traitement à visée curatrice et abandonnés en soins palliatifs, d’autres sont partis à l’étranger, certains sont soignés dans les centres anticancéreux du monopole et se battent cure après cure pour recevoir le moins mauvais traitement possible et échapper aux essais qu’on voudrait leur imposer à nouveau. Quand à nos médecins formés, humains et toujours réclamés par les patients, aucune n’a d’affectation ….  A ce jour fin mars 2015. Il faut que le savoir-faire se perde. Nous ne devons n’être que des robots. Malheureusement le projet de loi de santé de Marisol Touraine prévoit  de mettre au pas le privé comme elle a mis au pas et avant elle la loi HPST, dite loi Bachelot  en 2009, l’hôpital public qui ne bouge plus un orteil sans l’aval de l’ARS. Malgré  la multiplication comme des petits pains des administratifs de tous types et directions hospitalières, rien ne se décide sans l’ARS  ….. Ainsi l’histoire de Garches guette de nombreux services d’où le combat de Jérôme Marty  et de l’UFML contre la loi Mille Garches ….
Professeur Nicole DELEPINE,
Ancien chef de service de cancérologie pédiatrique APHP
page fb andree delepine  et site www.nicoledelepine.fr
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Docteur Delépine
Docteur Delépine

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