Spécialité de l'article : Agro-homéopathie
Parution du 10/03/2016 pour la lettre n° 78
Connaître Toxicodendron radicans pour mieux comprendre Rhus tox
Qui est allé en Amérique du Nord en zones plus ou moins rurales aura entendu parler avec effroi du terrible « poison ivy », que l’on appelle en français le sumac vénéneux, le lierre empoisonné ou encore l’herbe à puces. Autrefois nommé Rhus toxicodendron et abrégé en homéopathie en Rhus tox, le sumac vénéneux porte aujourd’hui le nom scientifique de Toxicodendron radicans.
Un record d’impopularité
Afin de mieux appréhender la plante, il est intéressant de faire connaissance avec la famille dont elle fait partie : il s’agit des Anacardiaceae, la plus allergisante de toutes les familles de plantes ! On compte parmi ses membres le pistachier (Pistacia vera), la noix de cajou (Anacardium occidentale), la mangue (Mangifera indica), et surtout certains sumacs, aujourd’hui nommés Toxicodendron, à l’origine d’impressionnantes dermites de contact.
L’origine étymologique du nom de la plante sert également d’avertissement : Toxicodendron vient du grec toxicos (« toxique ») et dendron (« arbre »). Voilà de quoi inviter à la prudence…
Une plante qui aime brouiller les pistes…
Aux Etats-Unis et au Canada, on trouve cinq espèces de Toxicodendron, difficiles à distinguer les unes des autres : T. diversilobum, T. pubescens, T. radicans, T. rydbergii, et T. vernix. Caractérisées par une morphologie changeante, elles peuvent, de plus, s’hybrider entre elles.
Responsables de centaines de milliers d’arrêts maladie chaque année, les Toxicodendron semblent prendre un malin plaisir à compliquer leur identification : les individus peuvent prendre la forme d’une plante herbacée émanant d’un rhizome, d’une liane ligneuse aux nombreuses racines aériennes, de buissons ou même d’arbrisseaux. Ils portent des feuilles alternes divisées en 3 folioles, elles aussi d’aspects variables : grandes ou petites, dentées ou lobées, de couleur vert foncé brillant ou vert-jaune clair. Elles prennent cependant une couleur rouge caractéristique deux fois dans l’année : en tout début de printemps après l’éclosion des bourgeons et en fin d’été, alors que les feuilles d’aucune autre plante n’ont encore changé de couleur.
Rhizome : tige souterraine
Ligneux : composé de bois
Feuilles alternes : disposées alternativement le long de la tige (et non pas opposées les unes aux autres)
Folioles : sous-divisions de la feuille, généralement à l’aspect de petites feuilles
Au niveau de l’habitat, il s’agit d’une plante pionnière (un peu l’équivalente de la ronce européenne) : c’est une des premières à se réinstaller dans les milieux perturbés par l’homme … d’où son omniprésence
aux abords des zones habitées ou aménagées et donc la fréquence des contacts avec la peau des humains !
Un dermatotoxique puissant
Doté d’une sève huileuse et non volatile, fortement dermatotoxique, le sumac vénéneux est susceptible de provoquer de très sévères dermites de contact avec toutes ses parties, y compris ses parties souterraines, ses rameaux sans feuilles en hiver, ou ses feuilles tombées depuis plusieurs années. La plante est aussi dermatotoxique par contact indirect, via le pelage d’un animal, de vêtements ayant frôlé la plante, d’outils ayant servi à la taille, etc.
Vingt-quatre heures à cinq jours après le contact, une dermite d’ampleur impressionnante apparaît, non seulement sur la zone de contact, mais également sur tous les endroits du corps qui auraient été touchés par la main qui a commencé à gratter la zone de contact… Pour cette raison, le visage est souvent affecté, dans de telles proportions que les personnes atteintes peuvent être méconnaissables pendant plusieurs jours d’affilée.
Les symptômes commencent avec de fortes démangeaisons qui deviennent rapidement insupportables, et des rougeurs qui gonflent et forment des vésicules suintantes, puis des croûtes. Suivant la sévérité, la dermite dure de 1 à 3 semaines ; de nouvelles lésions sont susceptibles d’apparaître tout au long des premiers jours.
Photos : Joelloughead ; Etereve
Dans environ 20% des cas, les personnes atteintes sont si invalidées qu’elles doivent rester alitées plusieurs jours, bien que le contact des draps sur la peau rende cette position extrêmement inconfortable.
Enfin, si la plante est ingérée, son action sur les muqueuses est la même que sur la peau : elle peut dans ce cas se révéler très dangereuse.
Deux remarques intéressantes au sujet des Toxicodendron :
- les dermites de contact semblent ne concerner que les humains (certains animaux mangent même la plante) ;
- 20% de la population ne serait pas sensible à la plante. De plus certains paniers traditionnels amérindiens contiennent des rameaux de la plante, ce qui tend à montrer que les populations autochtones avaient trouvé le moyen de se protéger de ses effets toxiques.
En résumé
Toxicodendron radicans évoque une plante caractérisée par la couleur rouge de ses folioles deux fois dans l’année, à l’action très puissante, centrée sur les problèmes dermatologiques (voire de muqueuses), notamment les problèmes présentant des démangeaisons et des vésicules et qui, dans une certaine mesure est invalidante, empêche le corps de bouger normalement, même si la position allongée peut elle aussi être très pénible.
Or ces caractéristiques se retrouvent dans les trois grands domaines
d’application de Rhus tox :
Rhus tox Toxicodendron radicans
Troubles rhumatologiques plus ou moins invalidants, qui peuvent aller jusqu’à la paralysie rhumatismale ;
Excès musculaires qui produisent des raideurs au lever Dermite dont l’ampleur peut être telle qu’elle peut être invalidante (alitement, difficulté à bouger du fait des douleurs et du gonflement)
Troubles cutanés marqués, avec démangeaisons, éruptions et souvent vésicules (herpès, eczéma, zona, varicelle…)
Inflammations des muqueuses Violente dermite, aux démangeaisons insupportables, gonflement et vésicules suitantes
Inflammation des muqueuses si ingérée
Les états infectieux de type typhique, avec un malade fébrile et agité, qui change souvent de position, dont la fièvre peut s’accompagner d’herpès, qui tousse lorsqu’il se découvre, dont la langue présente un triangle rouge à sa pointe. Douleur au contact qui conduit aux changements fréquents de position ; feuilles composées de 3 folioles rouges au début du printemps et à partir de la fin de l’été
Coté homéo, notez :
- Extrême agitation autant physique que psychique
- l’aggravation par un temps froid et humide et par les boissons fraiches, aggravation la nuit…
- l’amélioration par la chaleur et le mouvement constant
- courbatures et entorses dues à des lésions articulaires, élongation, charges lourdes aggravé par le repos
- envies : lait, boisson fraiche, toniques, sucreries
- aversions : excitants alcoolisés, nourriture après avoir un peu mangé
- soif : intense
- ne pas confondre : Apis, Belladona, Bryonia, Ruta….
Ainsi, la bonne connaissance de la plante, Toxicodendron radicans, être vivant subtil et muni de caractéristiques propres, permet de mieux cerner et comprendre le remède homéopathique, Rhus tox, et son action. La teinture mère s’obtient à partir des feuilles fraiches cueillies la nuit, à leur plus haut point de toxicité
Caroline – Calenduline
www.laventureaucoindubois.org : à la découverte des plantes sauvages et de leurs utilisations (publications, stages, conférences, animations)
=> Prochaine journée sur le terrain, suivie d’un atelier cuisine : le jeudi 17 mars 2016 à Lyon, en collaboration avec l’APMH
=> Prochaine semaine paélo : du 3 au 10 avril 2016 à Skoura (Maroc), organisée par l’APMH
Sources
Burrows & Tyrl (2013), Toxic Plants of North America, Wiley-Blackwell Press, New York, USA.
Horvilleur (2013), Guide familial de l’homéopathie, éd. Hachette santé, Paris.
Matière médicale du site d’HSF : www.hsf-france.com