Spécialité de l'article : Généraliste
Parution du 14/12/2021 pour la lettre n° 101
On distingue, de plus en plus souvent, deux dimensions dans la question de la médecine et du soin. Le « cure » et le « care ».
Que recouvre la notion de « cure » ? Celle d’une visée d’éradication de la maladie, d’en guérir le patient avec l’idée, aussi, d’objectiver la maladie pour la traiter le plus indépendamment du sujet qui l’éprouve.
Le care, lui, se centre sur le sujet malade, sur sa relation avec le médecin, la confiance qu’il lui témoigne. Il y va, aussi, d’un sentiment d’égalité malgré l’inévitable dépendance du patient vis à vis du médecin, et donc l’idée que le patient doit, lui aussi, être actif face à sa maladie. `
Chacun comprendra que, dans une telle vision, la tentation est grande de réserver le « cure » à la biomédecine ou médecine « classique » et de confier le « care » aux thérapeutiques dites complémentaires comme l'homéopathie.
Or, si la distinction cure/care n’est pas sans intérêt, de façon pragmatique, vue la situation où notre univers médical en est, il me semble qu’elle n’est pas satisfaisante pour autant.
Cette dichotomie cure/care souffre, en effet, d’une faiblesse majeure. C’est qu’elle entérine une vision implicite qui fait de la maladie quelque chose « d’externe » au sujet, quelque chose que l’on a et qui n’aurait pas de dimension relationnelle. Or, une telle vision est une erreur manifeste. Très peu de maladies sont « étrangères » au sujet. Presque toutes, même, sont relationnelles. Relationnelles, non pas au seul sens intersubjectif, pas uniquement en raison de difficultés interpersonnelles mais au sens écologique du terme, suis-je tenté de dire. Relationnelles car l’être humain, le vivant, est-au-monde, vit en interrelation constante à son environnement, au sens large.
On tombe malade car on ne supporte pas un climat (trop sec, trop chaud, trop froid, trop humide), pour des raisons alimentaires (on mange trop, pas assez, des aliments de mauvaises qualités, par malbouffe), des toxiques qu’on respire ou ingère, par excès de sédentarité et, très souvent, aussi parce qu’on subit un stress chronique devant telle ou telle situation inextricable, difficultés familiales, conjugales, professionnelles, sociétales qui entraine chagrin, colère, frustration, peur, angoisse, etc.
Cette dichotomie cure/care est, donc, insatisfaisante, parce que, au fond, elle « oppose » le malade et la maladie. En tout cas elle les sépare. D’un côté la maladie qu’il faudrait « extirper » par le « cure », de l’autre le patient dont il faudrait, en plus, prendre soin.
Mais il est assez illusoire de vraiment guérir (dans la durée) une maladie sans « guérir » aussi, le patient. Illusoire de croire que la maladie est indépendante des perturbations des relations du sujet au monde, aux êtres et à la société qui l’entourent. Illusoire de croire que le care est un « plus » du cure alors qu’il le constitue très largement.
La rédaction de l’Apmh remercie sincèrement le docteur Marchat pour ce texte qui fait réfléchir sur les soins à apporter à toute personne malade. Il a reçu en septembre le prix Alain Horvilleur 2020 pour son ouvrage, Homéopathie, nous aurait-on menti ? qui a été présenté dans la lettre N°97 de l’Apmh. A lire et à offrir…